Parce que la transition écologique ne peut se faire qu’avec le concours de tous les acteurs économiques, les contraintes réglementaires se resserrent autour des entreprises pour les inciter ou les obliger à mesurer, communiquer et agir sur leur impact environnemental. Le calcul des émissions de gaz à effet de serre liées aux activités des entreprises et organisations fait ainsi l’objet d’un bilan volontaire ou réglementaire selon le profil des entreprises. Retour sur l’évolution légale du bilan d’émissions de gaz à effet de serre et sur les toutes dernières mesures en vigueur en 2023.
Qu’est-ce que le bilan d'émissions de gaz à effet de serre ou BEGES ?
Le bilan d’émissions de gaz à effet de serre, bilan GES ou BEGES, a pour objectif la mesure de la quantité de gaz à effet de serre émise par les activités humaines sur une année. Il peut être réalisé à l’échelle des organisations (entreprises privées, entreprises publiques et État, collectivités) ou à l’échelle des territoires (commune, département, région, agglomération, Parc Naturel régional, etc.).
Le BEGES repose sur l’identification de postes d’émissions (combustibles, électricité, transports, achats de biens, traitement des déchets). Il permet ainsi à l’organisation ou au territoire de structurer sa politique environnementale et énergétique en identifiant précisément les actions qui permettront de réduire son impact carbone global. Il permet aussi à l’entreprise ou à l’organisation d’évaluer sa vulnérabilité par rapport au risque carbone (risque financier et de réputation).
La réalisation d’un BEGES est une manière pour l’entreprise de se démarquer par son exemplarité, ou a minima de répondre à la réglementation lorsqu’elle est assujettie. L’exercice est aussi l’occasion d’impliquer les salariés et partenaires.
Qui est concerné par le bilan GES réglementaire ?
La loi du 12 juillet 2010, qui constitue le second volet du Grenelle de l’environnement, a généralisé l’obligation de réalisation d’un BEGES à de nombreux acteurs privés et publics :
Les entreprises privées employant plus de 500 personnes en France métropolitaine ;
Les entreprises privées employant plus de 250 personnes dans les départements et régions d'outre-mer ;
Les acteurs publics employant plus de 250 personnes ;
Les collectivités de plus de 50 000 habitants.
La loi du 17 août 2015 a fait évoluer la périodicité de réalisation à 4 ans pour les entreprises privées leur permettant ainsi de faire coïncider sa réalisation avec leur audit énergétique. Ce délai est porté à 3 ans pour les acteurs publics.
Où en est-on de la législation sur le bilan GES réglementaire ?
Des modifications et de nouvelles dispositions ont vu le jour avec la publication du Décret n° 2022-982 le 1er juillet 2022 par le Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires. Ce décret met à jour le code de l'environnement en renforçant les sanctions et en intégrant au BEGES l'ensemble des émissions indirectes.
Des sanctions plus élevées en cas de non-réalisation
La loi du 17 août 2015 imposait une amende de 1500 € en cas de non-établissement ou de non-transmission du BEGES par les entreprises concernées. En 2022, ce montant a été révisé à la hausse, atteignant 10 000 €, voire 20 000 € en cas de récidive.
Depuis le 23 octobre 2023, suite à la publication au Journal Officiel de la loi relative à l'industrie verte, les sanctions ont été multipliées par cinq. Cet amendement prévoit désormais une amende maximale de 50 000 € pour les entreprises soumises à l'établissement d'un BEGES, et jusqu'à 100 000 € en cas de récidive.
La prise en compte des émissions indirectes devient obligatoire
L’évolution la plus significative introduite par ce décret et l'élargissement du périmètre des émissions de GES à prendre en compte à partir de 2023. Alors restreinte aux émissions directes (scope 1) et indirectes liées à l'énergie (scope 2), l’obligation de mesure concerne désormais toutes les émissions indirectes (équivalent scope 3)
La prise en compte de l'ensemble des émissions indirectes était jusqu'alors fortement recommandée mais ne faisait pas l’objet d’une obligation légale. Elles représentent pourtant la grande majorité des émissions dans la plupart des entreprises.
Il convient de souligner que cette extension de l'obligation du bilan GES réglementaire concerne uniquement les entreprises soumises à l'obligation de publier une Déclaration de Performance Extra-Financière (DPEF).
La méthodologie du bilan d’émissions de gaz à effet de serre évolue
Une nouvelle version de la méthode BEGES (v5) a vu le jour en juillet 2022. Voici ce qui change.
Les "scopes" deviennent les "catégories d’émissions"
Dans l'ancienne méthode BEGES v4, les émissions étaient réparties en scopes d'émissions, une méthodologie internationale définie par le GHG Protocol. Dans la version v5 de la méthode BEGES, les scopes d'émissions sont remplacés par des catégories d'émissions. Elles ont pour objectif de mieux préciser la quantification des émissions de GES et d'améliorer le processus de classification. Ces catégories d'émissions s'alignent sur la version 2018 de la norme ISO 14064, et sont au nombre de 6 :
Émissions directes de GES (anciennement scope 1)
Émissions directes associées à l'énergie (anciennement scope 2)
Émissions indirectes associées au transport (anciennement scope 3)
Émissions indirectes associées aux produits achetés (anciennement scope 3)
Émissions indirectes associées aux produits vendus (anciennement scope 3)
Autres émissions indirectes (anciennement scope 3)
Le plan d'action devient le "plan de transition"
Plus ambitieux que le précédent "plan d'action", le plan de transition doit être davantage détaillé en précisant les moyens (humains et financiers), les actions, et les objectifs à moyen et long terme que l'entreprise envisage de mettre en place. L'objectif de cette nouvelle mesure est d'inciter les entreprises à agir en adoptant une stratégie carbone plus complète, précise et opérationnelle.
Quelles sont les étapes pour réaliser un bilan GES ?
La méthode v5 du BEGES définit 6 étapes clés :
Cadrage
Cette première étape consiste à choisir entre une réalisation en interne ou à l’aide d’un prestataire (comme Kabaun), à définir l’année de référence ainsi que son périmètre organisationnel (recensement des biens et des activités inclus dans une entreprise, en tenant compte de leur complexité structurelle).
Identification des sources d’émissions
Il s'agit ici de définir à la fois le périmètre opérationnel (l'ensemble des émissions de GES et leur répartition par catégorie et par poste) ainsi que le périmètre de déclaration (les émissions incluses dans le périmètre opérationnel, qui seront effectivement comptabilisées dans le BEGES).
Collecte des données
La collecte des données est une étape cruciale dans la réalisation du BEGES. Elle implique de rassembler des informations sur les activités de l'entreprise, à la fois en interne et auprès des parties prenantes externes comme les fournisseurs et les clients. Il est essentiel de mettre en place des méthodes de collecte systématiques et fiables, tout en veillant à la qualité et à la cohérence des données recueillies.
Les données à collecter couvrent un large éventail d'activités, telles que les consommations d'énergie, les déplacements professionnels, les achats de biens et services, ou encore les déchets.
Plus les données collectées sont détaillées et les facteurs d'émission précis, plus le bilan sera fiable. Une collecte de données rigoureuse est la base d'un BEGES de qualité. Elle permet non seulement d'obtenir un bilan précis, mais aussi de faciliter le suivi de l'évolution des émissions au fil du temps, ce qui est crucial pour évaluer l'efficacité des actions de réduction mises en place par l'entreprise.
Calcul du bilan et analyses
Cette étape consiste à convertir les données collectées en émissions de gaz à effet de serre, exprimées en équivalent CO2 (eqCO2 ou CO2e). Le calcul implique l'application de facteurs d'émission appropriés à chaque type d'activité. Une fois le bilan calculé, il est important de procéder à une analyse approfondie des résultats. Cela inclut :
L'identification des principaux postes d'émissions
La comparaison avec les bilans précédents pour évaluer l'évolution
Le recalcul de l'année de référence si nécessaire, par exemple en cas de changement significatif dans la structure de l'entreprise
L'analyse des tendances et des variations pour comprendre les facteurs influençant les émissions
Cette analyse permet de dégager des pistes d'amélioration et d'orienter la stratégie de réduction des émissions de l'entreprise.
Plan de transition
Le plan de transition est un document clé du bilan GES réglementaire. Il présente de manière détaillée les mesures mises en place depuis le dernier bilan et leurs résultats, ainsi que les actions et moyens envisagés pour réduire les émissions directes et indirectes jusqu'au prochain bilan. Il précise également le volume global de réductions d'émissions attendu pour les différents types d'émissions. Il est important de souligner que le plan de transition doit être consolidé selon le même périmètre que le bilan GES réglementaire correspondant.
Publication
Le bilan GES ainsi que son plan de transition doivent être publiés sur une plateforme dédiée gérée par l'ADEME. Cette plateforme s'appelle "Bilans GES" et est accessible à l'adresse www.bilans-ges.ademe.fr.
Quelles différences entre un bilan GES réglementaire et un bilan carbone ?
Le bilan GES et le bilan Carbone ont pour objectif commun la comptabilisation des émissions de gaz à effet de serre par une entreprise ou une organisation. Mais le terme de Bilan Carbone® désigne une méthodologie spécifique mise au point par l’ADEME et l’APCC (et aujourd'hui portée par l'Association pour la transition Bas Carbone), basée sur la classification des émissions en scope 1 2 3. Cette méthodologie prend en compte les émissions directes ainsi que toutes les émissions indirectes, c’est-à-dire aussi celles du scope 3, qui inclut les émissions de GES liées à la livraison de matières premières ou encore à l’utilisation du produit par le client final.
Le bilan carbone repose généralement sur une approche volontaire contrairement au BEGES qui lui est une obligation légale.
Autre distinction, le BEGES nécessite la réalisation d'un plan de transition ce qui n'est pas le cas du bilan carbone qui recommande tout de même de réaliser un bilan des actions réalisées.
Comment se faire accompagner dans la réalisation du Bilan GES réglemetaire ?
Que ce soit dans le cadre d'une obligation réglementaire ou d'une démarche volontaire, l'accompagnement est primordial pour réaliser le BEGES ou bilan carbone. Un soutien professionnel permet d'assurer la précision et la conformité, tout en optimisant le processus.
Focus sur l'accompagnement par une entreprise extérieure
Pour réaliser un bilan GES réglementaire, plusieurs options d'accompagnement s'offrent aux entreprises. Les bureaux d'études spécialisés en environnement et les consultants indépendants certifiés peuvent aider les organisations dans cette démarche. Ces experts possèdent l'expertise nécessaire pour collecter et analyser les données, calculer les émissions, et proposer des stratégies de réduction adaptées à chaque structure.
Parmi ces options, les plateformes ou logiciels spécialisés dans la réalisation de bilan carbone (comme Kabaun) se démarquent par leur efficacité. Ces outils présentent plusieurs avantages par rapport aux méthodes traditionnelles utilisant Excel :
Centralisation des données
Mise à jour automatique des facteurs d'émission
Visualisation en temps réel des résultats
Collaboration facilitée entre les différents services de l'entreprise
Suivi des progrès et trajectoires année après année
Suivi du plan d'action
Les plateformes dédiées au bilan carbone permettent une gestion plus efficace et transparente du processus. Elles offrent des fonctionnalités avancées d'analyse et de reporting, tout en combinant l'expertise humaine avec la puissance des outils numériques.
Aides et subventions disponibles
Plusieurs dispositifs existent pour soutenir financièrement les entreprises dans leur démarche de bilan GES. Le programme phare est le Diag Décarbon'Action, développé conjointement par l'ADEME, Bpifrance et l'Association Bilan Carbone (ABC). Il offre une subvention pour la réalisation d'un bilan GES, s'adressant aux entreprises de moins de 500 salariés qui n'en ont jamais effectué ou dont le dernier remonte à plus de 5 ans.
Conclusion
La transition écologique exige la participation de tous les acteurs économiques, les entreprises étant soumises à des réglementations de plus en plus contraignantes, les incitant à mesurer, communiquer et agir sur leur impact environnemental. Le bilan GES réglementaire (BEGES) est donc un outil essentiel qui, lorsqu'il n'est pas obligatoire, peut être utilisé par les entreprises pour se démarquer par leur exemplarité, pour impliquer leurs salariés et partenaires et qui doit s'intégrer dans une démarche RSE plus globale.
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